"L’idée c’est aussi de montrer un côté humain": une application mentonnaise pour venir en aide au petit commerce

C’est au port de Garavan, en écho aux doléances des professionnels, que tout a commencé. Alors forcément, sur place, tout le monde dispose déjà de R-TYX.
R, pour réseau. TYX, comme une onomatopée mimant le bruit d’un appareil photo. Et, par extension, comme une image promouvant un commerce qu’on aime. C’est bien là le concept: créer un réseau pour renforcer la visibilité des commerçants et faciliter les échanges avec les clients.
À l’origine de cette application lancée il y a trois mois – après un an et demi de travail – on retrouve Sara et Rutty. Une mère et sa fille, bien décidées à se démener pour aider le petit commerce local, pas toujours armé pour faire face au modèle actuel.
"Avant, tout marchait avec le bouche-à-oreille. Maintenant, il faut maîtriser les réseaux sociaux, les sites Internet, les algorithmes, savoir faire des vidéos… L’alternative, c’est de payer quelqu’un 600 euros par mois minimum pour le faire. Sauf que quand on démarre, on est souvent fauché", pose Sara.
Un constat que Rutty partage. Elle qui a monté une société de vidéos pour les entreprises et visait en priorité les plus petites d’entre elles. Mais s’est vite rendu compte que même en pratiquant les tarifs les plus bas, ces sociétés n’étaient pas en capacité d’y répondre.
"Alors quand ma mère a eu cette idée de plateforme où l’on voit tous les commerces de façon locale, avec les professionnels et les clients ensemble – mais sans avoir leur vie perso au milieu – je l’ai suivie."
Visibilité maximaleMême si elle en reprend certains codes graphiques, R.TYX est le contre-pied des réseaux sociaux traditionnels.
"Leurs algorithmes à eux sont faits de telle sorte que quand vous publiez, moins de 5% de vos abonnés voient votre post. Histoire de vous inciter à payer pour le sponsoriser. Nous, on sera visible de tous quoi qu’il arrive", assure Sara.
Autre caractéristique: l’application née à Menton ne revend pas les données. Pas plus qu’elle ne vend des espaces pubs. "Cela favoriserait encore ceux qui ont le plus de moyens. Là, tout le monde est au même niveau. De même, il n’y a pas de commission pour le lien que l’on crée", complète Rutty.
Dans ce réseau, le particulier est par ailleurs très protégé. On ne peut le suivre que si on connaît son pseudo. De même, les "TYX" sont anonymisés. Un commerçant ne peut pas s’abonner à un privé sauf si ce dernier s’est abonné à lui. Tous les pros peuvent en revanche se connecter entre eux.
On l’aura compris, il y a deux manières de "tyxer". En tant que client, d’abord. Pour ce faire, il suffit de publier une photo ou une vidéo pour promouvoir ses commerces préférés, de manière à ce qu’elles apparaissent sur le profil des professionnels identifiés.
"On devient ainsi une sorte d’influenceur local", souligne Rutty. Précisant que le consommateur peut également rester informé des offres, promotions et événements publiés par son commerce chouchou – avec des notifications en temps réel, mais pas invasives pour autant.
Et avoir toutes les cartes de visite à portée de main, enregistrées dans son "wallet".
Un professionnel, quant à lui, pourra tyxer pour présenter son équipe, sa boutique. Pour communiquer sur son planning, son menu, une fermeture exceptionnelle, des infos de réservation, une recherche d’employés, un créneau qui se libère… "L’idée c’est aussi de montrer un côté humain. On a besoin de ça dans un système devenu individualiste", glisse Sara.
Définissant R.TYX comme une sorte d’annuaire digital. "Chacun a son profil, comme dans une grande galerie marchande."
Plus de 160 commercesÀ ce jour, l’application compte près de 400 tyxeurs et plus de 160 commerces.
"Quand nous allons voir un commerçant, on lui dit: rentrez dans l’appli et on s’occupe de tout. On fait la carte de visite interactive – qui permet d’appeler directement, de partager –, un QR Code pour renvoyer vers son profil dans l’application, une vidéo de présentation…" Aux professionnels, ensuite, de poster les TYX et annonces de leur choix.
Sara et Rutty espèrent ainsi contribuer à vaincre les préjugés. "Parfois on n’entre pas dans un commerce parce qu’on a une idée reçue. Là, il y a juste à ouvrir l’application pour voir quelle énergie y règne. On peut notamment être surpris par des prix que l’on pensait – à tort – excessifs."
L’application ayant été créée à Menton, mère et fille jugeaient évident de faire la période de test ici. Jusqu’au lancement officiel, les professionnels locaux ont ainsi pu bénéficier d’un abonnement à vie.
"Ils ont cru en nous, alors c’est normal. Pour le volet commercial nous n’étions pas prêtes. Nous sommes allées à droite à gauche. Mais heureusement, plein de pros nous ont guidées vers d’autres", pose Sara.
Pour rembourser les lourds investissements, une formule premium va être lancée, à 120 euros pour un an. Une formule basique, incluant une carte de visite interactive et des informations essentielles, restera néanmoins disponible. Quant aux clients, ils continueront à accéder à l’application librement.
Rutty et Sara entendent désormais s’étendre vers Monaco, puis en France. Et développer de nouvelles fonctionnalités, petit à petit. "On ne fait pas ça pour gagner de l’argent sur le dos des gens mais au contraire pour les faire briller, clament-elles. On voit beaucoup de commerces qui ferment, c’est essentiel de donner une visibilité à ceux qui en ont besoin."
Nice Matin